La journée banale par excellence. Pour moi, bien sur. Je doute que pour les autres, certains détails de ce que j’ai fait aujourd’hui soient vraiment banals. Déjà, je me suis fait attaquer par mon père au réveil. Ensuite j’ai vu sortir la fille qui squat…que j’héberge avec gentillesse sortir de mon placard et me hurler dessus pour le boucan que j’ai fait –alors que ce n’est pas de ma faute mais celle de l’exubérant phénomène qui me harcèle tout le temps-. La matinée a été rigoureusement ennuyeuse, comme d’habitude. Aucune apparition d’Hollow impromptue, j’ai donc pu consacrer mon attention exclusivement aux cours. Chose impossible à vrai dire, donc en fait j’ai passé les ¾ du temps à regarder par la fenêtre, ce qui m’a valu les remarques habituelles sur ma désinvolture. A midi, on a mangé sur le toit, avec les autres. Rukia avait l’air assez distraite. Elle ne parlait pas beaucoup et regardait souvent de l’autre coté du grillage, vers la ville. Je n’ai pas pensé à lui demander ce qui n’allait pas. Tant qu’elle ne me prévenait pas de la présence d’un Hollow, cela ne m’intéressait pas trop.

Les cours de l’après midi se sont avérés aussi peu utiles que ceux de la matinée. Rukia s’est montrée absente à partir de la deuxième heure, je ne sais pas où elle a bien pu passer, ni ce qu’elle a dans la tête. Inoue m’a bien demandé, j’ai été incapable de lui répondre. Finalement, on est rentrés tous ensemble comme d’habitude. Quand je vous disais qu’il s’agissait d’une journée banale. Même beaucoup plus banale que d’habitude, puisque je n’avais même pas eu à chasser de Hollows. En fait, au moment où j’en suis actuellement, c'est-à-dire dans une rue pas loin de chez moi avec les autres, je me demande bien comment je ferai si un Hollow apparaissait maintenant. Sans Rukia, je suis incapable de me transformer en shinigami. Je fais confiance à Chad et Inoue, mais je ne veux pas qu’ils se retrouvent blessés, alors je préférerai qu’ils s’éloignent du combat. Ils ne m’écouteraient même pas. Et je détesterais vraiment me sentir inutile. Alors j’espère que l’on ne va pas rencontrer de Hollow. De toute manière, on arrive au carrefour. C’est l’heure de se séparer. Un simple signe d’au revoir, en pensant que d’façon je les revois demain, accompagné d’un de mes rares sourires de la journée, et je continue ma route en solitaire. En voyant ce qui apparait devant, je n’ai jamais autant voulu que Rukia soit avec moi, et jamais autant maudit mes prémonitions foireuses.

Un Hollow. Noir, avec un masque blanc. Moche, horrible. Qui hurle, et dont je peux voir ls vagues de reiatsu. Et qui s’approche dangereusement de moi. Je ne peux pas l’attaquer, je ne peux pas me défendre, et si je fuis, je risque de l’attirer vers les gens de ma classe, car Chad et Inoue semblent aussi posséder un reiastu délectable pour ces monstres –j’y connais rien en reiatsu, c’est Rukia qui me l’a dit-. Et si je fonce entre ses jambes, je l’amène droit chez moi. En clair, je suis complètement coincé. Mais je n’ai pas le temps de « réfléchir » autrement que j’entends des bruits bizarres derrière moi. Je me retourne et lève la tête. Un shinigami, debout sur un toit –manie de Shinigami j’ai bien l’impression, ils passent leur vie sur les toits-, en train de réciter une quelconque incantation, et une boule rouge incandescente se forme dans sa main. Et ce mec décide de l’envoyer sur le Hollow, sans se préoccuper de moi. Je me retrouve donc projeté à quelques mètres, par terre sur le béton, tandis que le monstre disparait. La poussière dégagée m’envahit et je ne peux pas m’empêcher de tousser. Je me relève rapidement sans prendre le temps de voir si j’ai une quelconque blessure et regarde le shinigami toujours posé sur son toit.

« Euh… Merci. T’es qui ? Un pote à Rukia ? »

Je pige rien à leur système aux shinigami. Rukia a bien essayé de m’expliquer, mais je comprenais rien avec ses dessins. J’imagine qu’ils sont tous plus ou moins compagnons entre eux. Puis ça me rappelle ceux que j’ai vus au lycée l’autre jour. J’étais un peu largué, y’avait beaucoup de monde et surtout une pagaille immense. Je vois pas très bien le shinigami qui est sur son perchoir, mais il m’a l’air d’être comme Rukia, et comme moi d’ailleurs. Ce qui m’étonne, c’est qu’il n’a même pas dégainé son katana, il a juste prononcé une formule bizarre que je ne saurai pas reproduire. Puis il a l’air content de lui, avec son grand sourire sur le visage. Je me demande bien pourquoi, je trouve qu’il a pas foutu grand-chose, prononcer quatre phrases pour envoyer une boule de feu, n’importe qui est capable de le faire. Bonjour la modestie chez les morts. Je le dévisage en attendant une réponse. La journée avait plutôt bien commencé, pourtant.

Spoiler:

Ok… C’est une blague ? Je vais passer à la télé dans une émission de caméra cachée ? Je suis sensé aborder quelle réaction face à ce type qui me débite ses phrases sans aucun sens comme si on se connaissait depuis la primaire et qu’on s’était donnés rendez vous pour aller se prendre une cuite ? Je suis tombé sur quel type sérieux ? Non, mais, vous avez vu comment il me parle ? Et aussi comment il me touche d’ailleurs. Je ne sais pas lequel des deux est le pire, en fait, c’est insupportable. Je regrette vraiment de lui avoir adressé la parole. J’aurais du me barrer sans demander mon reste, sans même le remercier. Après tout, il m’a un peu envoyé balader dans la poussière, et a détruit le monstre sans se soucier de moi. J’aurais pu être mort, il ne s’en serait même pas aperçu. Il est tellement familier avec moi. J’ai la désagréable impression qu’il me prend pour un gros crétin en fait. Rassurez moi, ce n’est qu’une impression ?

Maintenant, ce mec veut qu’on fasse amis-amis. Il vient de m’insulter et de raconter n’importe quoi, il a un débit de phrases phénoménal –encore pire que Keigo et son imagination cataclysmique- , et il veut qu’on soit potes ? Il veut que je me présente, alors qu’encore trente secondes auparavant il ne m’avait même pas vu, et qu’il aurait pu me tuer ? Parmi toute l’inutilité de ce qu’il dit, je parviens à comprendre qu’il s’appelle Haruto Fuma. Le reste je pige pas, comme il le dit si bien. Il me prend vraiment pour le dernier des simplets sorti de nulle part. Ca doit être parce que je tire la même tête depuis qu’il m’a répondu ; la tête du mec blasé, qui ne réagit pas à ce qu’il débite. Le même froncement de sourcils caractéristique depuis le début, pas un sourire ni autre émotion quelconque sur le visage. J’attends juste qu’il est fini de parler pour un caser une tranquillement. D’ailleurs il me tend la main. Je n’ai pas l’habitude de serrer la main des gens, loin de la. C’est à peine si je leur adresse un signe en salutation. Pourtant, ça me rassure, ce type connait le bé abat des civilités humaines.

« Kurosaki Ichigo. »

Je lui serre rapidement la main, et oublie le sujet de Rukia. Visiblement il ne la connait pas. Je sais pas d’où il sort, ce qu’il fait la, et pourquoi il n’est pas dans son monde, mais si je pose une seule question, je suis parti pour trois tonnes de répliques. En fait, il n’a même pas besoin que je parle pour raconter des trucs. Je ne comprends pas comment il fait. Au dela de l’agacement, c’est carrément de l’incompréhension. Le pire, c’est qu’il me pose une tonne de questions auquel je suis sensé répondre. Déjà j’ai aucune envie d’y répondre, il me soule. Et en plus, c’est un pur inconnu, un mec que j’ai jamais vu de ma vie qui me passe un quasi interrogatoire sur ma vie. Parce que oui, savoir comment je peux le voir, ça fait parti de ma vie. Je passe mon temps à les aider, les fantômes, parce que je peux les voir justement. Mais bon, je me sens obligé de dire quand même quelque chose…

« Je suis un humain. Et je peux voir les fantômes. »

On va éviter de parler de mes pouvoirs de shinigami, j’en ai aucune envie. Et puis, il serait bien capable de me demander de le prouver. Ce serait compliqué de lui expliquer que je ne peux me « transformer » qu’en présence d’une certaine personne… Flemme, et puis il m’a l’air d’être plutôt simple d’esprit. En fait, ça change vraiment de Rukia. Dire que je pensais que tous les shinigami étaient aussi coincés, et parlaient de manière aussi étrange. Ce mec vient de me détruire toute l’image que je m’étais faite. Maintenant, je me dis juste qu’ils sont comme nous. Leur lot de coincés, de normaux –ça j’en ai pas encore vu-, et d’exubérants. L’endroit d’où ils viennent ne doit pas être si différent du notre.

Bon, visiblement, ce mec compte me coller toute la soirée. Je le dévisage longuement, tentant de savoir s’il s’agit d’une blague ou pas. J’ai presque envie de lui demander s’il n’as pas d’autres gens à aller sauver plutôt que d’embêter un pauvre humain comme quoi. C’est vrai, qu’est ce que j’ai d’intéressant ? Bref, je pèse rapidement le pour et le contre. De toute façon, il ne me lâchera pas –d’ailleurs je grimace car il vient encore de me frapper dans le dos-, et pas la peine d’essayer de le semer. Si je le ramène à la maison, ça va être la galère avec les sœurs et l’autre cinglé de père. Je suis donc obligé de rester avec lui, et d’aller manger avec lui. Je soupire, sors mon portable de ma poche et envoie un texto à Yuzu pour lui dire que je ne rentrerai pas manger ce soir. Pas la peine de prévenir mon père, on s’en fout de celui la. Bref, je me retourne vers mon « pot de colle », dont j’ai déjà oublié le prénom, jeté à la va vite parmi un flot de paroles incompréhensible.

« Suis-moi. Et j’ai pas de gigai, va falloir faire sans. Tu veux bouffer quoi ? »

Je suis déjà las à l’idée que je vais devoir passer la soirée avec lui. S’il pouvait être un peu moins bruyant. Ma journée banale en tout point, presque idéale, est partie en fumée depuis bien longtemps.